Difficile de résumer le parcours de Martine Vézina tant il est riche. Sa vie professionnelle est jalonnée de recherche, d’enseignement et d’engagement au sein d’organisations collectives. Spécialiste de gestion de l’innovation sociale, cette professeur agrégée à HEC Montréal a passé quatre ans au Conseil d’administration (CA) de Dynamo avant de faire un séjour de recherche en France. En 2020, elle revient à Montréal et réintègre le CA mais, cette fois, à titre de présidente. De son parcours aux enjeux d’interdépendance et de collaboration, Martine Vézina nous livre sa vision pour l’avenir.

Comment en vient-on à être présidente d’un CA comme celui de Dynamo?

Martine Vézina : J’ai fait mes études en management des organisations. Mon mémoire de maîtrise portait sur les conflits au sein des CA des coopératives. Dans ma thèse de doctorat en management stratégique des organisations, je me suis intéressée au rôle des coopératives dans le processus de modernisation d’un secteur économique important pour le Québec. Aujourd’hui, j’enseigne le management des entreprises sociales et collectives et le management en contexte d’innovation sociale à HEC Montréal. En parallèle de ce parcours universitaire, j’ai assez tôt ressenti le besoin de voir les entreprises collectives de l’intérieur. J’ai été impliquée dans plusieurs CA dans le secteur des coopératives en milieu scolaire, puis dans celui du Sac à dos et, plus récemment, dans celui de Paroles d’excluEs. J’ai aussi bien navigué entre des organisations collectives évoluant dans le domaine du social que dans d’autres tirant leurs ressources de la vente de prestations. Cela m’a en quelque sorte préparée à jouer un rôle plus actif au sein de Dynamo dans sa transition vers une entreprise d’économie sociale.

J’ai entendu parler de Dynamo pour la première fois alors que j’accompagnais une réflexion au service de l’allocation de Centraide. Une de mes collègues à HEC avait par ailleurs fait partie du CA lors de sa fondation. Il faut aussi savoir que certains membres de l’équipe de Dynamo ont participé à des activités en innovation sociale à HEC Montréal. Il y a clairement une histoire entre cette école et Dynamo. En rejoignant le CA, j’ai découvert une organisation très innovante dans son approche et très dynamique. Moi qui fais beaucoup de vélo, lorsque je pense à Dynamo, j’ai toujours en tête ce petit instrument, qu’on appelait dans ma jeunesse une dynamo. Fixée à la roue arrière, elle produit de l’énergie qui se transforme en lumière. Plus le vélo accélère, plus la lumière éclaire fort. C’est ça l’ADN de Dynamo. Cette organisation m’a éclairée dans ma compréhension du milieu communautaire, moi qui venais du monde de l’économie sociale plus institutionnalisée.

Parlez-nous un peu du CA et de votre place…

Dynamo a connu une période importante de changement organisationnel il y a quelques années. Cela lui permet maintenant de rebondir dans le contexte actuel. Mon rôle s’inscrit à présent dans la continuité : changer tout en restant pareil. Continuer à améliorer, se questionner sur le positionnement, expérimenter, faire en sorte que les moyens permettant aux orientations de se réaliser soient mis à disposition. Il y a encore de beaux défis à relever et je suis là comme appui à la direction générale et au CA afin de favoriser le jaillissement des meilleures idées. Nous sommes dans un modèle collégial. Avec un CA de personnes compétentes et convaincues de l’importance de la mission de Dynamo, nous sommes dans le ‘’on’’. Pouvoir compter sur les oreilles et l’intelligence des administrateurs·trices en plus de celles de l’équipe est une grande force.

Le CA de Dynamo est un endroit d’intelligence collective : on donne et on apprend en retour. On sort toujours des réunions en ayant tiré des apprentissages, en ayant compris des choses. Ce que j’ai découvert est plus grand que ce que je pensais. Dynamo participe vraiment au changement social.

Au vu de la situation actuelle, quels enjeux voyez-vous venir pour une organisation œuvrant dans le milieu communautaire comme le fait Dynamo ?

Pendant la crise que nous venons de vivre, la société civile a été, et demeure encore aujourd’hui, au premier plan des solutions, avec les services publics bien entendu. Nous avons vu ses forces mais aussi ses nombreux besoins. Le monde communautaire a plus de besoins qu’il n’existe de réponses. Le premier enjeu est donc celui de faire des choix pour ne pas se laisser aspirer. C’est douloureux de choisir mais c’est indispensable si l’on veut assurer une pérennisation de l’organisation. Il faut saisir les opportunités sans s’éloigner de ce que l’on veut faire, sans se disperser.

Ensuite je dirais qu’il faut savoir reconnaitre sa force. Celle de Dynamo est de comprendre profondément les besoins des communautés. Nous sommes en constante interaction, nous sommes dans la formation, dans l’évaluation. Dynamo est partout sur le continuum de la vie d’une organisation. A contrario, il y a des milieux que nous connaissons moins. Il faut donc savoir reconnaitre ce dans quoi nous sommes bon·ne·s et savoir identifier là où d’autres pourraient être meilleur·e·s.

Enfin, je dirais que la situation actuelle fait ressortir la complexité dans laquelle nous vivons. Complexité des problèmes qui demande une complexité des solutions. Mais des solutions complexes, ça ne se trouve pas seul ! Ça se trouve à plusieurs, avec toutes les parties prenantes. La crise que nous traversons nous expose ouvertement à l’interdépendance dans laquelle nous vivons. Alors que nous étions amené·e·s à penser en silo, l’interdépendance des secteurs et des enjeux nous oblige de plus en plus à travailler ensemble. La collaboration prend ici tout son sens. Et faire collaborer des acteurs·trices qui ont des objectifs différents prend des habilités et du savoir-faire ! Il faut trouver une façon d’être ensemble. C’est là où la mission de Dynamo prend tout son sens.

 

Propos recueillis par Julie-Léonora Kesch